CWM (Fre) Set of 18 volumes
Entretiens - 1955 Vol. 7 of CWM (Fre) 477 pages 2008 Edition
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Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur trois œuvres de Sri Aurobindo : Les Bases du Yoga, Le Cycle humain et La Synthèse des Yogas ; et sur une de ses pièces de théâtre, Le Grand Secret.

Entretiens - 1955

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The Mother

Ce volume comporte les réponses de la Mère aux questions des enfants de l’Ashram et des disciples, et ses commentaires sur trois œuvres de Sri Aurobindo : Les Bases du Yoga, Le Cycle humain et La Synthèse des Yogas ; et sur une de ses pièces de théâtre, Le Grand Secret.

Collection des œuvres de La Mère Entretiens - 1955 Vol. 7 477 pages 2008 Edition
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Entretiens - 1955

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Le 25 mai 1955

Cet Entretien est basé sur Le Cycle humain de Sri Aurobindo, chapitre XIV, « La Beauté suprarationnelle ».

Je m’aperçois qu’il y en a les trois quarts que vous n’avez pas compris.

Maintenant nous allons aller lentement, pas à pas.

(À un enfant) Pose une question tout au commencement; simplement tu dis : « Voilà, qu’est-ce que ça veut dire? »

Ici, Douce Mère, il est écrit : « ... il est vraisemblable que la raison intellectuelle sera une aide insuffisante et se trouvera en fin de compte, et même dès le début, hors de son domaine et condamnée à avancer timidement... »

Alors?

Alors, par quoi est-ce qu’on commence, si ce n’est pas par l’intellect?

Par quoi on doit commencer?

Oui, avec l’aide de quoi?

N’est-ce pas, Sri Aurobindo définit la religion comme la recherche du spirituel, c’est-à-dire du Supramental, de ce qui est au-delà de la conscience humaine ordinaire, et ce qui doit influencer la vie en étant dans un domaine supérieur. Alors, puisque la religion recherche ça, elle est au-delà de la raison, parce qu’elle va vers le suprarationnel. Et alors, comment est-ce que la raison peut aider dans le domaine de la religion? Ce qu’il veut dire, c’est que si on se sert de la raison pour juger ou pour progresser dans le domaine de la religion, on est sûr de se tromper, parce que la raison, là, n’est pas la maîtresse et elle n’est pas capable d’éclairer. Si vous voulez juger une religion avec votre raison, vous êtes sûr de vous tromper, puisque c’est en dehors et au-delà du domaine de la raison. La raison peut juger des choses qui appartiennent au domaine rationnel de la vie ordinaire. Et comme il dit plus loin, le rôle véritable de la raison, c’est d’être comme un contrôle et un organisateur des mouvements de la vie humaine dans le mental et dans le vital.

Chaque fois, par exemple, qu’on a un désordre vital quelconque, et des passions, des désirs, des impulsions et toutes ces choses, si on fait appel à la raison et qu’on regarde ces choses du point de vue de la raison, on peut les remettre en ordre. C’est vraiment le rôle de la raison, d’organiser et de réglementer tous les mouvements du vital et du mental. Par exemple, vous pouvez faire appel à la raison pour voir si deux idées peuvent aller ensemble, ou si elles se contredisent, si deux théories peuvent voisiner dans votre construction mentale, ou si l’une démolit l’autre. C’est du domaine de la raison de juger et d’organiser toutes ces choses-là, et aussi, encore plus peut-être, c’est du domaine de la raison de voir si les impulsions sont raisonnables ou non, si elles mèneront vers une catastrophe, ou si on peut les tolérer, et si elles ne dérangeront rien dans la vie. Alors ça, c’est son plein domaine; c’est ce que dit Sri Aurobindo.

Mais pour savoir la valeur d’une religion, si vraiment elle a le pouvoir de vous mettre en rapport avec le Divin, avec la vie spirituelle, de vous mener vers elle, comment la raison peutelle juger, puisque c’est par-delà son domaine? Elle n’y connaît rien. Ce n’est pas son domaine, elle n’y entend rien. Il faut se servir d’autres moyens. Naturellement, c’est comme ça qu’il commence : à la fin il dira de quel moyen on peut se servir; je ne sais pas si c’est à la fin de ces chapitres-ci, mais en tout cas il donne toujours une indication. C’est ce que cela veut dire. Il dit : ne vous servez pas de la raison, vous ne pouvez pas juger avec elle. C’est tout.

La raison dans son domaine propre, est-ce qu’elle est toujours correcte?

La raison? Oui. Si elle est vraiment la raison, elle est correcte. Elle n’est pas correcte d’une façon absolue si on regarde les choses au point de vue spirituel, puisqu’elle n’y entend rien dans ces domaines-là, mais du point de vue « raisonnable », elle est naturellement le juge souverain.

Pour tout ce qui concerne la vie ordinaire et, comme je dis, la vie mentale, vitale et physique de l’homme, un être parfaitement raisonnable, qui vit selon sa raison, ne peut pas faire de faute à ce point de vue-là. Ce n’est que si on dit : « La vie humaine limitée à ces plans n’est pas complète, ni parfaite dans ces trois plans, il faut en faire entrer un quatrième qui est le plan spirituel ou suprarationnel », alors de ce point de vue-là, nous commençons à dire : « La raison n’y entend rien, et là elle doit se tenir tranquille, et laisser l’influence suprarationnelle s’exercer. » Mais au point de vue de la vie ordinaire, pour les gens qui mènent la vie ordinaire, qui ne veulent pas faire de yoga ou se développer spirituellement, la raison est certainement une maîtresse absolue et très recommandable. Les gens qui vivent selon la raison sont des gens généralement tout à fait sattwiques, et qui ne font aucun genre d’excès et ne font pas de fautes graves, qui vivent d’une façon raisonnable. Ce n’est que quand on sort de la vie ordinaire, qu’on veut entrer dans une vie qui tend vers une réalisation spirituelle — alors elle doit abdiquer. Elle peut tout de même aider tant qu’on n’est pas le maître absolu des mouvements de son mental et des mouvements de son vital. Tant que ces deux choses-là ne sont pas transformées, se servir de la raison est très raisonnable, parce qu’elle vous aidera à maîtriser les mouvements.

Une autre question?

(À un autre enfant)Tu as compris, toi, n’est-ce pas — compris quelque chose en tout cas? Non? Alors, pose une question.

Douce Mère, qu’est-ce que c’est, la beauté suprarationnelle?

Ah! ça, mon petit, quand nous aurons lu le chapitre, tu le sauras, parce que c’est justement le sujet du chapitre. Alors, il va te l’expliquer tout du long. Si je te le dis maintenant, ce ne sera plus la peine de lire le chapitre. (rires)

Est-ce que la raison est la plus haute fonction du mental?

Du mental proprement dit, du mental humain, oui, certainement. C’est-à-dire qu’avec la raison on ne risque pas de se tromper, tant qu’on reste dans le domaine purement humain et purement mental.

Comment est-ce que la raison peut devenir un obstacle pour la vie spirituelle?

Parce qu’elle n’y comprend rien. La vie spirituelle la dépasse, ce n’est pas son domaine, et elle n’y comprend rien. Elle est un très bon instrument pour toute éthique, moralité, contrôle de soi, mais la vie spirituelle dépasse ces choses, et la raison n’y comprend rien.

Mais si on a vraiment la raison, alors la raison doit admettre que la vie spirituelle lui est supérieure!

Oui.

Alors pourquoi ça devient un obstacle?

À condition qu’elle se tienne tranquille, qu’elle n’intervienne plus... Si elle essaye d’intervenir, elle est un obstacle; si elle se retire en bon ordre et qu’elle reste tranquille, alors c’est très bien. C’est un obstacle si on veut s’en servir comme juge et comme maître. Mais ce n’est pas un obstacle si on s’en sert comme instrument, comme toutes les autres parties de l’être. C’est un excellent instrument, à condition que ça reste un instrument et ne veuille pas devenir le maître qui décide et qui juge. C’est un pouvoir de jugement qui, dans son domaine, est tout à fait correct. Mais dès qu’elle dépasse son domaine, elle ne peut pas comprendre, elle n’a plus de discernement. Alors si la raison comprend ça, et qu’elle se tienne tranquille, dans une attitude d’instrument et pas de maître et de juge, c’est parfait.

Mais pour ça, il faut que la conscience qui se développe soit déjà suffisamment développée dans un domaine suprarationnel pour pouvoir agir sur la raison d’en haut et lui faire comprendre la chose, parce que ce domaine-là n’est pas contenu dans la raison. Alors elle le nie, naturellement, à moins qu’il n’y ait une partie de la conscience qui soit suffisamment développée pour pouvoir mettre sur elle quelque chose qui lui fasse comprendre. Tout dépend du degré de développement de la conscience de l’individu. C’est une question purement individuelle.

Mère, quand tu dis domaine suprarationnel, est-ce que c’est un domaine supérieur à la raison ou est-ce un domaine particulier?

C’est plutôt un état qu’un domaine. Dans le physique, il peut y avoir un domaine suprarationnel, dans le vital il peut y avoir un domaine suprarationnel, dans le mental aussi il peut y avoir un domaine suprarationnel, et il y a des régions suprarationnelles qui dépassent tous ces domaines-là. Dans une certaine partie de la conscience et de la vie, c’est plutôt un état qu’une région. C’est une manière d’être. C’est quelque chose qui dépasse l’état de conscience ordinaire. Mais même physiquement cela peut s’éprouver, vitalement aussi. Tout d’un coup on peut sentir qu’on est en rapport avec quelque chose qui dépasse toutes les régions rationnelles; et c’est là, c’est dans le vital même, c’est une influence qui agit d’en haut. Autrement, ce serait tout à fait impossible d’espérer la transformation des parties inférieures de l’être — ni mentale ni vitale ni physique —, elles ne pourraient jamais être transformées, si elles n’étaient pas capables de recevoir au-dedans d’elles-mêmes l’influence suprarationnelle; et c’est là, c’est à trouver, c’est à découvrir.

Douce Mère, ici Sri Aurobindo a écrit : « D’une part, la raison est un illuminateur — pas toujours le principal illuminateur — et le correcteur de nos impulsions vitales et de nos premières recherches mentales; d’autre part, elle est un simple ministre de l’Esprit voilé et le préparateur des chemins pour l’avènement de son règne. »

Oui, c’est ce que nous avons dit, que dans le domaine rationnel c’est celui qui donne le vrai jugement, la vraie direction. C’est ça qu’on appelle un « illuminateur » : qui donne la lumière. Quand on doute de quelque chose, quand on est dans l’obscurité, dans une confusion, si l’on fait appel à la raison, elle peut très bien vous guider, vous faire voir clair là où vous étiez dans l’obscurité; par conséquent, c’est un illuminateur. Alors, « ministre de l’Esprit », cela veut dire justement ce qu’il demandait, c’est-à-dire que ça peut être transformé en un instrument pour révéler la réalité spirituelle dans les parties inférieures de l’être. « Ministre de l’Esprit », c’est ce que ça veut dire : un ministre, c’est un instrument de quelque chose, n’est-ce pas, ça veut dire l’instrument de l’Esprit. Et il peut préparer les chemins pour l’avènement du règne de l’Esprit, justement rendre l’être équilibré et paisible, correct dans ses jugements, correct dans sa manière d’agir, de façon à ce qu’étant dans un état d’équilibre lumineux, il soit capable de recevoir l’Esprit.

Un être qui est dans un tourbillon d’obscurité n’est évidemment pas prêt pour recevoir l’Esprit. Mais quand par l’usage de la raison on est arrivé à organiser son être d’une façon logique et raisonnable et équilibrée, sage — la raison est essentiellement un instrument de sagesse —, eh bien, c’est une excellente préparation pour aller au-delà, à condition qu’on sache que ce n’est pas un aboutissement, que c’est seulement une préparation. C’est comme une base, n’est-ce pas; les gens qui ont des expériences spirituelles, qui ont un contact avec les mondes supérieurs et qui ne sont pas prêts dans les domaines inférieurs, ils ont beaucoup de tracas, parce qu’ils ont constamment à se battre avec un tas d’éléments qui ne sont ni organisés, ni purifiés, ni classifiés; et chacun tire de son côté, il y a des impulsions et des préférences et des désirs, et alors cette lumière qui est venue d’en haut doit organiser tout ça. Tandis que si la raison avait travaillé auparavant et avait fait de la place au moins un endroit habitable, quand l’Esprit viendrait... il s’installerait plus facilement.

Comment peut-on développer la raison?

Oh! par son usage. La raison se développe comme les muscles, comme la volonté. Toutes ces choses-là se développent par un usage rationnel. La raison! tout le monde porte la raison en soi, seulement on ne s’en sert pas. Il y a des gens qui ont très peur de la raison, parce qu’elle contredit leurs impulsions. Alors ils aiment mieux ne pas l’écouter. Et naturellement, si on prend l’habitude de ne pas écouter la raison, au lieu de se développer elle s’éteint de plus en plus.

Pour développer la raison, il faut le vouloir sincèrement. Si d’une part vous vous dites : « Je veux développer la raison », et que d’autre part vous n’écoutiez pas ce que la raison vous dit de faire, alors vous n’arrivez jamais à rien; parce que, naturellement, si chaque fois qu’elle vous dit : « Ne fais pas ça ! » ou : « Fais ceci », vous faites le contraire, elle perdra l’habitude de dire quoi que ce soit.

Mère, même dans la vie ordinaire, comment la raison peut-elle aider pour apprécier la beauté, par exemple?

Elle ne le peut pas. C’est justement ce que Sri Aurobindo va vous dire ici : c’est que la raison ne vaut rien pour apprécier la beauté. En fin d’analyse, elle ne vaut rien, parce que la beauté est quelque chose qui est analogue à la religion et qui dépasse la raison. Tout le chapitre va vous expliquer ça. C’est pour cela qu’il l’appelle la beauté suprarationnelle. Le principe supérieur de la beauté est un principe suprarationnel et par conséquent la raison n’y entend rien du tout. Si vous voulez juger de l’art avec la raison, vous êtes sûr de dire des sottises.

Ici (je crois que c’est dans ce chapitre-là), il montre que la beauté appartient à un domaine aussi supérieur que la religion; que par la beauté on peut arriver au contact avec le Divin au même titre que par la religion. Et le chapitre suivant, c’est « Le Bien Suprarationnel », et là il va démontrer que la raison non plus ne peut pas être le dernier juge pour ce qui est bien et ce qui n’est pas bien; que le dernier juge est un juge suprarationnel. Seulement, de la même façon, ça peut être une préparation, ça peut préparer le chemin pour y aller; mais c’est seulement une préparation. Naturellement, pour comprendre pleinement ce qu’il a voulu nous dire, il faudrait lire tout le livre. Mais cela nous prendrait quelque chose comme dix ans, alors je n’essaye pas. J’ai pris ça seulement parce que ce sont deux sujets qui sont très intéressants, parmi tous les autres : la Beauté et le Bien.

La beauté c’est l’instinct esthétique de l’homme, et le bien c’est son instinct éthique, et ce sont deux choses qui sont très importantes dans l’éducation et dans le développement humains; et c’est pour cela que j’ai choisi ces deux chapitres. Mais pour avoir le plein développement de l’idée, il faut lire tout le livre. Plus tard vous le lirez... peut-être quelques-uns auront la curiosité de le lire.

Douce Mère, qu’est-ce que ça veut dire, esthétique et éthique?

Esthétique, ça concerne la Beauté; et éthique, ça concerne le Bien.

Ça, mes enfants, s’il y a des mots que vous ne comprenez pas, prenez donc un dictionnaire et regardez dedans. Parce que ça vous apprendra la langue... en même temps vous apprendrez un peu de français. Mais d’ailleurs, ces mots sont les mêmes en anglais; vous devriez les connaître. Ça s’écrit un petit peu différemment, ça se prononce un peu différemment, mais ce sont exactement les mêmes mots.

Mère, ici Sri Aurobindo dit : « Dans sa sphère propre de connaissance finie — science, philosophie, arts utiles — son droit à la souveraineté, pourrait-on penser, est indiscutable. Mais, finalement, il se trouve que ce n’est pas vrai... »

Alors quelle doit être la fonction de la raison pour l’étude de la science, de la philosophie et des arts utiles?

Une fonction de préparation, comme j’ai dit; c’est pour préparer à quelque chose de supérieur qui est le suprarationnel et qui doit venir. C’est comme une préparation. N’est-ce pas, il a dit « pourrait-on penser », cela veut dire que c’est simplement une impression que l’on a que son droit à la souveraineté est indiscutable. Il n’est pas indiscutable. Il dit que son domaine est vaste, n’est-ce pas, que ses pouvoirs sont étendus, que son action est plus sûre d’elle-même, mais elle se trouve toujours entre les deux autres pouvoirs de notre être, l’infrarationnel et le suprarationnel. Elle est un intermédiaire pour faire sortir de l’influence infrarationnelle — qui est celle de tous les instincts, de tous les désirs, de toutes les passions, de toutes les impulsions —, pour faire sortir de ce domaine, pour préparer à l’avènement du domaine suprarationnel. Par conséquent c’est un instrument qui sert d’intermédiaire, de transition, et dans cet intermédiaire-là, dans cette région-là, il est le meilleur maître. Mais il ne peut pas aller plus loin. Il y a un moment où il perd son pouvoir. Quand on est prêt pour l’intervention suprarationnelle, eh bien, il n’a qu’à se tenir tranquille; et si, par exemple, par un développement intérieur, par une action yoguique vous êtes arrivé à entrer en contact avec une conscience divine et que vous receviez des inspirations de cette conscience divine, si à ce moment-là vous voulez juger de ces inspirations par la raison, alors vous êtes sûr de faire des bêtises, parce que la raison n’y entend rien, et qu’elle doit abdiquer. Mais il faut être sûr que c’est vraiment un contact avec la Force divine; et pour être sûr de ça, eh bien, jusqu’à ce qu’on en soit sûr, la raison est très bonne pour vous empêcher de vous tromper vous-même.

Généralement, les gens qui ont des dispositions pour des expériences pas tout à fait ordinaires, trouvent que la raison est très gênante; et avant même d’être prêts pour dépasser son action, ils la rejettent, et c’est comme ça que généralement ils deviennent tout à fait déraisonnables et qu’ils finissent par être à moitié fous. C’est pour cela que tant qu’on n’a pas une certitude absolue d’être arrivé là où on veut aller, eh bien, il faut garder la raison très active en vous pour vous empêcher de dérailler. Ça, c’est tout à fait important. On ne peut abdiquer la raison que quand l’expérience avec les régions supérieures est tellement absolue, tellement vraie, tellement complète qu’elle s’impose d’elle-même. Ce n’est pas un cas très fréquent. Par conséquent, moi, je conseille toujours aux gens de garder leur raison. Mais il y a un point où elle doit cesser d’avoir ses droits supérieurs : c’est pour juger de l’expérience spirituelle (parce qu’elle ne peut pas en juger, elle ne la comprend pas); mais il faut que ce soit vraiment l’expérience spirituelle, pas quelque chose qui essaye de l’imiter. Là, une sincérité absolue est nécessaire. Il ne faut pas se tromper soi-même par ambition, ou bien se laisser tromper par des farceurs quelconques qui viennent vous raconter des histoires extraordinaires pour vous faire croire à leur supériorité.

C’est tout?

Préparer le chemin veut dire?

Oh! qu’est-ce que cela veut dire, préparer le chemin?

Vous n’avez jamais eu l’impression dans la vie que vous étiez en train de marcher vers quelque chose, non? On n’a pas l’impression que, quand on naît, on commence à mettre le pied sur une route qui va vous mener par une courbe à travers toute la vie? C’est ça, l’image. Alors si vous prenez le chemin qui doit vous mener vers une réalisation spirituelle, eh bien, cela veut dire que toutes vos actions vont délibérément se diriger vers ce but. Et alors, il dit qu’il y a un morceau de chemin qui est sous le contrôle de la raison et que la raison, si on la suit, vous aide à avancer là sans vous tromper trop souvent. Parce que c’est assez remarquable que dans la vie, vous partez sans rien savoir, et qu’à chaque pas que vous faites il faut que vous appreniez, et que généralement on arrive vers le bout, vers la fin du chemin, sans avoir appris grand-chose, parce qu’on se trompe trop souvent, et qu’on n’a rien pour se guider.

Les gens ordinaires entrent dans la vie sans même savoir ce que c’est que de vivre, et c’est à chaque pas qu’ils doivent apprendre à vivre. Et avant de savoir ce qu’on veut réaliser, il faut même savoir comment marcher; comme on apprend à un tout petit enfant à marcher, on a aussi à apprendre dans la vie comment vivre. Quels sont les gens qui savent vivre? Et c’est par des expériences, par des fautes, par toutes sortes de malheurs et d’inconvénients de tout genre, que petit à petit on commence à être ce que l’on appelle raisonnable; c’est-à-dire quand on a fait une faute un certain nombre de fois, et qu’on a eu les conséquences fâcheuses de cette faute, on apprend à ne plus la faire. Mais il y a un moment — quand le cerveau est suffisamment développé et qu’on peut se servir de la raison, eh bien, la raison peut vous aider à diminuer le nombre de ces fautes, vous apprendre à faire le chemin sans trébucher trop souvent.

L’immense majorité des êtres humains naissent, vivent et meurent sans savoir pourquoi ça leur est arrivé. Ils le prennent... c’est comme ça : ils sont nés, ils vivent, ils ont ce qu’ils appellent des bonheurs et des malheurs, et puis ils arrivent à la fin, et ils s’en vont. Ils sont entrés et ils sont sortis sans rien apprendre. Ça, c’est l’immense majorité.

Il y a là-dedans un petit nombre de gens, que l’on appelle l’élite, qui sont des gens qui essayent de savoir ce qui leur est arrivé, pourquoi ils sont sur la terre et pourquoi il leur arrive tout ce qui leur arrive. Alors parmi ceux-là, il y en a qui se servent de leur raison, et ils trouvent le moyen de marcher convenablement sur le chemin beaucoup plus vite que les autres. Ce sont les êtres raisonnables.

Maintenant il y a une poignée — une grosse poignée — de gens qui naissent avec l’impression qu’il y a autre chose à trouver dans la vie, qu’il y a une raison supérieure à la vie, qu’il y a un but, et qui s’efforcent de le trouver. Alors ceux-là, leur chemin va au-delà de la raison, vers des régions qu’ils doivent explorer avec ou sans aide, suivant leur chance, et ils doivent découvrir alors les mondes supérieurs. Mais il n’y en a pas beaucoup. Je ne sais pas combien il y en a maintenant dans le monde, mais j’ai l’impression que cela peut encore se compter. Alors ceux-là... ça dépend de quand on commence.

Maintenant il y a, je pense, des êtres qui naissent et dont la période rationnelle de la vie peut commencer très tôt, très jeune, et peut être de très courte durée; et alors, ils sont presque tout de suite prêts pour s’embarquer dans les chemins nouveaux et inexplorés vers les réalités supérieures. Mais pour s’embarquer dans ces chemins-là, sans crainte et sans danger, il faut avoir organisé son être à l’aide de la raison autour du centre le plus élevé que l’on possède consciemment, et organisé de telle manière qu’il soit intérieurement sous votre contrôle et qu’on n’ait pas à dire à chaque minute : « Ah! j’ai fait ça, je ne sais pas pourquoi. Ah! ceci m’est arrivé, je ne sais pas pourquoi » — et c’est toujours « je ne sais pas, je ne sais pas, je ne sais pas », et tant que c’est comme ça, le chemin est un peu dangereux. C’est seulement quand on fait ce que l’on veut... on sait ce que l’on veut, on fait ce que l’on veut et on est capable de se conduire avec certitude, sans être ballotté par les hasards de la vie, alors on peut avancer sans crainte, sans hésitation et avec un minimum de danger sur les chemins suprarationnels. Mais il n’est pas nécessaire d’être très vieux pour qu’il en soit ainsi. On peut commencer cela très jeune; même un enfant de cinq ans peut déjà se servir de la raison pour se contrôler; je le sais. Il y a suffisamment d’organisation mentale dans l’être chez ces petits bouts qui ont l’air tellement spontanés et irresponsables... il y a assez d’organisation cérébrale pour pouvoir s’organiser soimême, sa vie, sa nature, ses mouvements, ses actions et ses pensées avec la raison.

Il y a de ces petits ici comme ça. Ils ne sont pas tous comme ça, mais il y en a qui sont comme ça. Il y en a comme ça ici, j’en connais. Alors si, ceux-là, on leur apprenait à se servir convenablement de leur raison, ils seraient prêts très jeunes à partir pour la grande aventure. Ils gagneraient beaucoup de temps. Mais il ne faut pas s’embarquer sur cette route avec un bagage d’impulsions et de désirs, parce que cela vous amène toutes sortes de désagréments sérieux.

Voilà, mes enfants, c’est tout? Personne ne dit mot?

(À un enfant) Tu as encore quelque chose à dire?

Est-ce que les lois de la Nature suivent la loi de la raison humaine?

Ah, non!

Alors comment est-ce que par la raison humaine, on peut expliquer tant de lois de la Nature?

Parce que la raison humaine est supérieure à la Nature.

La Nature est infrarationnelle. Les lois de la Nature sont des lois infrarationnelles. Alors, quand les hommes viennent vous dire : « Mais qu’est-ce que vous voulez, c’est la loi de la Nature », moi, cela me fait rire. Ce n’est pas la peine d’être un homme, il vaudrait mieux que vous soyez un singe ou un éléphant ou un lion. Les lois de la Nature sont infrarationnelles.

Ça, c’est la seule supériorité que l’homme ait, c’est qu’il a une raison, et quand il ne s’en sert pas, il devient tout à fait un animal. C’est la dernière excuse à donner : « Qu’est-ce que vous voulez, c’est la loi de la Nature! »

Il est tard, autrement je vous raconterais des histoires. Il faut arrêter.









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