Sont réunis dans ce volume tous les écrits de la Mère datant d’avant 1920 – à l’exception de Prières et Méditations; des causeries faites à Paris à « de petits groupes de chercheurs » ; plusieurs textes écrits au Japon, et « Belles histoires », des contes écrits pour les enfants.
Quel est en nous le plus grand obstacle à notre consécration à l’œuvre impersonnelle?
Regardé au point de vue le plus général, l’obstacle se confond avec la raison même de l’œuvre à accomplir : c’est l’état d’imperfection actuel de la matière physique.
Étant constitués d’une substance imparfaite, nous ne pouvons que participer à cette imperfection.
Quel que soit donc le degré possible de perfection, de conscience, de connaissance de notre être profond, le fait seul qu’il s’incarne dans un corps physique fait naître des obstacles à la pureté de sa manifestation; et, d’autre part, son incarnation a pour but la victoire sur ces obstacles, la transformation de la matière. Nous ne devons donc pas nous étonner ou nous attrister de rencontrer des obstacles en nous, car il n’est pas un être sur terre qui n’ait des difficultés à vaincre.
La cause de cette imperfection peut nous apparaître à deux points de vue, l’un général, l’autre individuel.
Au point de vue général, l’imperfection de la matière provient de son manque de réceptivité vis-à-vis des forces plus subtiles qui doivent se manifester par elle. Mais ce manque de réceptivité lui-même a beaucoup de causes dont l’exposition nous entraînerait trop loin du cœur de notre sujet. Je crois d’ailleurs qu’en dernière analyse toutes les difficultés résident dans l’illusion de la personnalité, c’est-à-dire l’illusion que quelque chose puisse être distinct du tout.
Afin de ne pas spéculer sur la nécessité de cette illusion pour l’existence même de l’univers tel que nous le connaissons, je regarderai la question uniquement sous son angle terrestre et humain.
Cette illusion du moi séparé du tout entraîne en nous deux tendances.
La première provient d’un inconscient besoin d’identi¬fication avec le tout. Mais à cause même de l’illusion de la personnalité, chacun ne conçoit cette identification que comme une absorption en soi et voudrait, plus ou moins, être le centre de ce tout. Par suite, dans la mesure de sa puissance intellectuelle ou physique, chacun veut attirer à soi tout ce dont il est conscient pour augmenter toujours plus sa personnalité.
Ceci est le résultat d’un désir, légitime dans son essence : avoir conscience de tout, mais ignorant dans son expression, car s’il est un moyen d’avoir conscience de tout, ce n’est certes pas en voulant attirer tout à soi, ce qui est absurde et irréalisable, mais en identifiant sa conscience avec la conscience du tout, ce qui exige justement l’action, l’attitude absolument opposée.
La seconde tendance, qui est d’ailleurs une conséquence normale de la première, est un excessif esprit de conservation, une fixité de toute nature, intellectuelle, morale, physique, qui nous met dans l’impossibilité de nous transformer aussi rapidement qu’il le faudrait pour que nous soyons toujours en accord avec la loi de progrès universel.
On dirait que l’individu craint de ne plus être assez différent des autres s’il favorise trop l’échange libre et large avec le tout.
D’ailleurs la fixité provient du désir d’accaparement et de l’erreur qui consiste à croire que nous pouvons être propriétaire de quelque chose dans l’univers. Il nous semble que les éléments dont nous sommes composés nous appartiennent en propre. Consciemment ou inconsciemment nous voulons les conserver à nous tout en étant disposés à en attirer d’autres pour les additionner aux premiers; mais nous oublions que, la séparation n’étant pas un fait réel, nous ne pouvons rien recevoir si nous ne donnons pas.
Il nous faut être l’anneau de la chaîne : l’anneau ne grossira pas de volume aux dépens de ses voisins. Mais s’il transmet fidèlement le courant qu’il a reçu, il en recevra un autre, et, plus sa transmission sera complète et rapide, plus il sera mis en rapport avec un grand nombre de forces ou de choses qu’il lui faudra utiliser ou manifester. Et ainsi petit à petit, en ne prenant, en ne gardant rien pour lui, il pourra prendre connaissance de tout, en communiant avec tout.
Pour les objections que l’on pourrait me faire et que je pressens, j’ajoute ceci :
En parlant de cette illusion de la personnalité, je ne veux pas nier que chacun ait un mode spécial de manifestation. Différenciation ne veut pas dire division.
Pourquoi y aurait-il tant d’innombrables anneaux à la chaîne si chacun n’avait sa fonction propre?
Et ici une autre comparaison s’impose pour compléter la première, car toute comparaison est forcément incomplète.
Considérons-nous comme les cellules d’un immense organisme vivant et nous comprendrons tout de suite que la cellule, qui dépend pour sa vie de la vie du tout et ne peut s’en séparer sous peine de destruction, a bien son rôle spécial dans l’ensemble.
Mais ce rôle est justement ce qu’il y a de plus profondément spontané dans notre être; il n’est besoin d’aucune égoïste affirmation de notre personnalité pour le trouver. Plus, au contraire, nous nous donnons pleinement à une action impersonnelle, plus ce rôle se fortifie et se précise en nous. Et c’est ce rôle justement qui constitue notre véritable individualité puisqu’il est notre mode spécial de manifester l’Essence Divine une en tout et en tous.
Home
The Mother
Books
CWM
French
Share your feedback. Help us improve. Or ask a question.