CWM (Fre) Set of 18 volumes
Paroles d’autrefois Vol. 2 of CWM (Fre) 342 pages 2008 Edition
French

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Sont réunis dans ce volume tous les écrits de la Mère datant d’avant 1920 – à l’exception de Prières et Méditations; des causeries faites à Paris à « de petits groupes de chercheurs » ; plusieurs textes écrits au Japon, et « Belles histoires », des contes écrits pour les enfants.

Paroles d’autrefois

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Sont réunis dans ce volume tous les écrits de la Mère datant d’avant 1920 – à l’exception de Prières et Méditations; des causeries faites à Paris à « de petits groupes de chercheurs » ; plusieurs textes écrits au Japon, et « Belles histoires », des contes écrits pour les enfants.

Collection des œuvres de La Mère Paroles d’autrefois Vol. 2 342 pages 2008 Edition
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Troisième Partie




La charité

Dans son sens le plus général, on peut définir la charité : l’action de donner à chacun ce qui lui manque.

C’est-à-dire, en dernière analyse, mettre chaque chose à sa place, ce qui aurait pour résultat l’établissement de la justice suprême sur la terre.

Ceci est la théorie, mais dans la pratique la charité pourrait être considérée comme le chemin que les hommes devraient suivre dans leur marche tâtonnante vers la justice.

Car, dans l’état actuel de son évolution, l’homme est incapable non seulement de réaliser la justice dans sa demeure terrestre, mais aussi de la concevoir telle qu’elle est dans son essence absolue. La charité est le vivant aveu de cette impuissance.

En effet, dans l’ignorance où nous nous trouvons de la justice vraie, celle qui est une avec l’harmonie, l’équilibre et l’ordre parfait, le plus sage pour nous est de prendre le chemin d’amour, le chemin de la charité qui se refuse à tout jugement.

C’est ce qui légitime l’attitude de ceux qui opposent toujours la charité à la justice. Cette dernière est, à leurs yeux, rigoureuse, impitoyable et la charité doit venir atténuer son excessive sévérité.

Ce n’est certes pas de la justice divine qu’ils peuvent parler ainsi, mais bien de la justice humaine ou plutôt sociale, de cette justice égoïste instaurée pour défendre un groupe d’intérêts plus ou moins étendu, et qui est aussi opposée à la justice véritable que l’ombre est contraire à la lumière.

Lorsqu’on parle de la justice telle qu’elle se rend dans nos pays soi-disant civilisés, ce n’est pas rigoureuse et impitoyable qu’il faudrait dire, c’est absurde et aveugle, monstrueuse dans sa prétention ignorante.

Aussi ne saurait-on trop réparer ses funestes effets et la charité trouve là l’occasion de s’employer bien utilement.

Mais ce n’est qu’un côté de la question et avant de pénétrer plus avant dans notre sujet, je voudrais vous faire souvenir que la charité, comme toutes les autres activités humaines, s’exerce selon quatre modes différents qui doivent être simultanés pour que l’action soit intégrale et vraiment efficace. Je veux dire qu’aucune charité n’est complète si elle n’est pas à la fois matérielle, intellectuelle, spirituelle ou morale et par-dessus tout aimante, car l’essence même de la charité est amour.

Actuellement on considère la charité presque exclusivement au point de vue extérieur et le mot est synonyme de partage d’une partie de ses biens avec les déshérités de la vie. — Nous verrons tout à l’heure combien cette conception est mesquine, même en se bornant au domaine purement matériel.

Les trois autres modes d’action de la charité sont admirablement résumés dans ce conseil que le Bouddha donnait à ses disciples :

« Allez le cœur débordant de compassion; dans ce monde que la douleur déchire soyez des instructeurs et en quelque lieu que ce soit où règnent les ténèbres de l’ignorance, allumez-y un flambeau. »

Instruire ceux qui savent moins, donner la force à ceux qui font le mal de sortir de leur erreur, consoler ceux qui souffrent, sont toutes occupations de la charité bien comprise.

Ainsi, la charité, regardée au point de vue individuel, consiste pour chacun à donner aux autres tout ce dont ils ont besoin, dans la mesure de ses propres moyens.

Ceci nous amène à deux constatations.

La première est qu’on ne peut donner ce dont on ne dispose pas.

Matériellement la chose est si évidente qu’il est inutile d’y insister. Mais intellectuellement, spirituellement la règle est la même.

En effet, comment enseigner aux autres ce que l’on ne sait pas? Comment guider les faibles sur le chemin de la sagesse si l’on n’y marche pas soi-même? Comment répandre l’amour si on ne le possède pas en soi?

Et la charité suprême, celle qui consiste dans le don intégral de soi à la grande œuvre de régénération terrestre, implique d’abord que l’on puisse disposer de ce que l’on veut offrir, c’està-dire que l’on soit maître de soi.

Seul celui qui a le parfait contrôle sur lui-même peut se consacrer en toute sincérité à la grande œuvre. Car il est seul à savoir qu’aucune volonté contraire, qu’aucune impulsion inattendue ne viendra plus entraver son action, enrayer son effort en le divisant contre lui-même.

Dans ce fait nous trouvons la légitimation du vieux proverbe qui dit : « Charité bien ordonnée commence par soi. »

Cette maxime semble favoriser tous les égoïsmes et pourtant elle est l’expression d’une grande sagesse pour celui qui la comprend bien.

C’est faute, pour les gens charitables, de se conformer à ce principe que leurs efforts demeurent si souvent infructueux, que leur bonne volonté se trouve tant de fois faussée dans ses résultats, et que, finalement, ils sont obligés de renoncer à une charité qui faute d’être bien exercée n’est cause que de désordres, de souffrances et de déceptions.

Il est évidemment une manière erronée d’interpréter cette maxime, c’est celle qui dit : « Accumulons d’abord fortune, intelligence, santé, amour, forces de toutes sortes. Nous les distribuerons ensuite. »

Car, au point de vue matériel, quand s’arrêtera l’accumulation? Celui qui prend l’habitude d’entasser trouve que son tas n’est jamais assez gros.

À ce sujet j’ai même été amenée à faire une constatation; c’est que chez la plupart des hommes la générosité paraît être en raison inverse de leurs moyens pécuniaires.

En observant la façon d’agir des ouvriers, des besogneux, de tous les malchanceux entre eux il m’a fallu conclure que les pauvres sont beaucoup plus charitables, plus prêts à secourir leurs compagnons d’infortune que ne le sont les favorisés du sort. Le temps me manque pour entrer dans le détail de tout ce que j’ai vu, mais je vous assure que c’est édifiant. Je puis, en tout cas, vous certifier que si les riches donnaient autant, proportionnellement à ce qu’ils ont, que les pauvres, il n’y aurait bientôt plus un affamé dans le monde.

Ainsi l’or semble attirer l’or, et rien ne serait plus funeste que de vouloir accumuler des richesses avant de les distribuer. Mais rien ne serait plus funeste aussi qu’une folle prodigalité qui, par manque de discernement, éparpillerait une fortune sans profit pour personne.

Ne confondons jamais le désintéressement qui est une des conditions de la vraie charité avec l’insouciance qui provient d’une paresseuse légèreté.

Apprenons donc à faire un emploi judicieux de ce que nous pouvons avoir ou gagner en accordant le moins de place possible à notre personnalité, et n’oublions pas surtout que la charité ne doit pas se borner à une aide matérielle.

Dans le domaine des forces aussi il est impossible d’accumuler, car la réceptivité est en proportion de la dépense : plus on dépense utilement, plus on se rend capable de recevoir. Ainsi l’intelligence que l’on peut acquérir est en mesure de celle que l’on emploie. Nous sommes construits pour manifester une certaine somme de forces intellectuelles, mais si nous nous développons mentalement, si nous faisons travailler notre cerveau, si nous méditons régulièrement et surtout si nous faisons profiter les autres du fruit, si modeste soit-il, de nos efforts, nous nous rendons aptes à recevoir une plus grande quantité de forces intellectuelles de plus en plus profondes et pures. Et il en est de même pour l’amour et la spiritualité.

Nous sommes semblables à des canaux ; si nous ne laissons pas librement se répandre ce qu’ils ont reçu, non seulement ils s’obstrueront et ne recevront plus rien, mais ce qu’ils contenaient se gâtera. Si au contraire, nous laissons s’écouler abondamment tout ce flot de forces vitales, intellectuelles et spirituelles, si nous savons, en nous impersonnalisant, brancher notre petite individualité au grand courant universel, ce que nous donnerons nous sera rendu au centuple.

Savoir ne pas se séparer du grand courant universel, être l’anneau de la chaîne qui ne doit pas être brisée, voilà la science véritable, la clef même de la charité.

Il est malheureusement une erreur très répandue qui est un sérieux obstacle à l’application pratique de cette connaissance.

Cette erreur réside dans la croyance que quelque chose dans l’univers puisse être notre bien propre. Tout est à tous, et dire ou penser : « Ceci est à moi », c’est créer une séparation, une division qui n’existe pas en réalité.

Tout est à tous, même la substance dont nous sommes composés, tourbillon d’atomes en perpétuel mouvement qui constitue momentanément notre organisme sans y séjourner et qui, demain, en formera un autre.

Il est vrai que certains disposent de grands biens matériels. Mais pour être en accord avec la loi universelle, ils devraient se considérer comme les dépositaires, les intendants de ces biens. Ils devraient savoir que ces richesses leur sont confiées afin qu’ils les gèrent au mieux des intérêts de tous.

Nous voilà bien loin de cette conception étriquée de la charité réduite au don d’un peu de notre superflu aux malheureux que la vie met sur notre chemin! Et ce que nous disons des richesses matérielles doit être dit aussi des richesses spirituelles.

Ceux qui disent : « Cette idée est mienne » et qui pensent être très charitables en en faisant profiter les autres sont des insensés.

Le monde des idées est à tous, la force intellectuelle est une force universelle.

Il est vrai que certains sont plus aptes que les autres à entrer en rapport avec ce domaine des idées et à le manifester à travers leur cérébralité consciente. Mais ce n’est pour eux qu’une responsabilité de plus : étant détenteurs de ces biens ils en sont les économes et doivent veiller à ce qu’ils soient utilisés pour le bien du plus grand nombre.

Il en est de même pour toutes les autres forces universelles. Seule la notion d’union, d’identité parfaite de tout et de tous peut mener à la charité véritable.

Mais pour revenir à la pratique, il y a encore un écueil grave à sa manifestation complète et utile.

Chez la plupart, la charité consiste à donner n’importe quoi à n’importe qui sans savoir seulement si ce don correspond à un besoin.

On fait ainsi de charité le synonyme de faiblesse sentimentale et de gaspillage irraisonné.

Rien n’est plus contraire à l’essence même de cette vertu.

En effet, il y a un aussi grand manque de charité à donner à quelqu’un ce dont il n’a pas besoin qu’à lui refuser ce qui lui est nécessaire.

Et ceci s’applique aux choses de l’esprit comme à celles du corps.

Par la mauvaise distribution de biens matériels on peut hâter la déchéance de certains êtres en les encourageant à la paresse, au lieu de favoriser leur progrès en les incitant à l’effort.

En ce qui concerne l’intelligence et l’amour il en est de même. Donner à quelqu’un des connaissances trop fortes pour lui, des pensées qu’il ne peut s’assimiler, c’est le priver pour longtemps sinon à jamais de la possibilité de penser par lui-même.

De même imposer à certains une affection, une tendresse dont ils ne sentent pas le besoin, c’est leur faire porter un fardeau souvent trop lourd pour leurs épaules.

Cette erreur a deux causes principales auxquelles toutes les autres peuvent se rattacher : l’ignorance et l’égoïsme.

Pour être sûr qu’un acte est bienfaisant il faut en connaître les conséquences proches ou lointaines, et un acte charitable n’échappe pas à cette loi.

Vouloir bien faire n’est pas suffisant, il faut aussi savoir.

Que de mal a été fait dans le monde au nom de la charité détournée de son sens véritable et complètement faussée dans ses effets!

Je pourrais vous donner de nombreux exemples d’actes charitables qui aboutirent aux plus désastreux résultats parce qu’ils furent accomplis sans réflexion, sans discernement, sans compréhension, sans clairvoyance.

Il faut que la charité, comme toute chose, soit en nous le résultat d’une volonté consciente et raisonnée, car impulsion est synonyme d’erreur et surtout d’égoïsme.

Malheureusement il faut bien le constater, la charité est bien rarement tout à fait désintéressée.

Je ne veux pas parler de celle qui est faite dans le but d’acquérir des mérites aux yeux d’un Dieu personnel ou de conquérir des félicités éternelles.

Cette forme tout à fait basse est le pire de tous les marchandages et c’est souiller le nom de charité que de le lui donner.

Mais je veux parler de cette charité que l’on fait parce qu’on y trouve son plaisir et qui est encore soumise à toutes sortes de sympathies ou d’antipathies, d’attirances ou de répulsions.

Il est très rare que cette charité-là soit tout à fait dégagée du désir de rencontrer la gratitude, et un tel désir atrophie toujours l’impartiale clairvoyance nécessaire à toute action pour qu’elle prenne sa pleine valeur.

Il y a une sagesse dans la charité comme partout et c’est celle qui réduit le gaspillage au minimum.

Ainsi pour être vraiment charitable il faut être impersonnel.

Et nous voyons une fois de plus que toutes les lignes du progrès humain aboutissent à une même nécessité : la maîtrise de soi, mourir à soi-même pour naître à la nouvelle, à la vraie vie.

Dans la mesure où nous perdons l’habitude de tout reporter à nous, nous pouvons exercer une charité vraiment efficace, cette charité qui se confond avec l’amour.

Il est une hauteur, d’ailleurs, où toutes les vertus se rejoignent et communient : amour, bonté, compassion, indulgence, charité sont dans leur essence une seule et même chose.

La charité, à ce point de vue, pourrait être considérée comme l’action extérieure, tangible, pratique, déterminée par la mise en œuvre des vertus d’amour.

Car il est une force que l’on peut distribuer à tous et toujours, à condition qu’elle le soit sous sa forme la plus impersonnelle, c’est l’amour, cet amour qui contient en lui la lumière et la vie, c’est-à-dire toutes les possibilités d’intelligence, de santé, d’épanouissement.

Oui, il est une charité sublime, c’est celle qui provient d’un cœur heureux, d’une âme sereine.

Celui qui a conquis la paix intérieure est, partout où il passe, un annonciateur de la délivrance, un porteur d’espoir et de joie. N’est-ce pas de toutes choses celle dont la pauvre humanité souffrante a le plus besoin?

Oui, il est certains hommes dont toutes les pensées sont amour, qui rayonnent l’amour, et la présence seule de ces êtres est une charité plus active, plus réelle que toute autre.

Sans qu’ils prononcent aucune parole ou qu’ils fassent aucun geste, les malades sont soulagés, les inquiets sont apaisés, les ignorants sont éclairés, les méchants sont adoucis, ceux qui souffrent sont consolés et tous subissent cette transformation profonde qui leur ouvrira de nouveaux horizons, leur fera faire un pas, sans doute décisif, sur le chemin infini du progrès.

Ces êtres qui, par amour, se donnent à tous, se font serviteurs de tous, sont les vivants symboles de la suprême Charité.

Vous tous ici, mes frères, qui désirez être charitables, ne voulez-vous pas associer votre pensée à la mienne pour exprimer ce vœu : que nous nous efforcions chaque jour un peu plus de suivre leur exemple afin d’être comme eux, dans le monde, des messagers de lumière et d’amour.

20 mai 1912









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