CWM (Fre) Set of 18 volumes
Paroles d’autrefois Vol. 2 of CWM (Fre) 342 pages 2008 Edition
French

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Sont réunis dans ce volume tous les écrits de la Mère datant d’avant 1920 – à l’exception de Prières et Méditations; des causeries faites à Paris à « de petits groupes de chercheurs » ; plusieurs textes écrits au Japon, et « Belles histoires », des contes écrits pour les enfants.

Paroles d’autrefois

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The Mother

Sont réunis dans ce volume tous les écrits de la Mère datant d’avant 1920 – à l’exception de Prières et Méditations; des causeries faites à Paris à « de petits groupes de chercheurs » ; plusieurs textes écrits au Japon, et « Belles histoires », des contes écrits pour les enfants.

Collection des œuvres de La Mère Paroles d’autrefois Vol. 2 342 pages 2008 Edition
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Sixième Partie




Impressions du Japon

Vous me demandez mes impressions sur le Japon. Parler du Japon est une tâche difficile : tant de choses ont déjà été écrites, tant de sottises aussi... mais plus sur les gens que sur leur pays. Car le pays est si merveilleux, si pittoresque, si varié, inattendu, charmant, sauvage ou souriant; il apparaît comme une telle synthèse de tous les autres pays du monde, des tropiques aux contrées arctiques, que nul œil d’artiste ne peut y rester indifférent. On a donné, je pense, beaucoup d’excellentes descriptions du Japon; je ne tenterai donc pas d’y ajouter la mienne, qui serait certainement beaucoup moins intéressante. Mais le peuple du Japon a, en général, été mal compris et mal interprété, et c’est sur ce sujet que quelque chose vaut encore la peine d’être dit.

Dans la plupart des cas, les étrangers entrent en contact avec cette partie du peuple japonais qui a été gâtée par les étrangers — un Japon d’hommes d’argent et d’imitateurs de l’Occident; ils ont évidemment prouvé qu’ils sont des imitateurs habiles, et on trouve facilement ici bien des choses qui ont rendu l’Occident odieux. Si nous jugeons le Japon par ses hommes d’État, ses politiciens et ses hommes d’affaires, nous le trouvons très semblable à une puissance européenne, bien qu’il possède la vitalité et la concentration d’énergie d’une nation qui n’a pas encore atteint son zénith.

Cette énergie est l’un des traits les plus intéressants du Japon. Elle est visible partout, en chacun : jeunes et vieux, ouvriers, femmes, enfants, étudiants, tous, sauf peut-être les « nouveaux riches », font preuve, dans leur vie quotidienne, de la plus merveilleuse accumulation d’énergie concentrée. Avec leur parfait amour de la nature et de la beauté, cette accumulation d’énergie est peut-être la caractéristique la plus distinctive et la plus répandue des Japonais. C’est ce que vous pouvez observer dès que vous abordez cette terre du Soleil Levant où tant d’individus et tant de trésors sont rassemblés dans une île étroite.

Mais si vous avez — comme nous — le privilège d’entrer en contact avec les vrais Japonais, ceux qui gardent intactes la rectitude et la bravoure des anciens samouraïs, alors vous pouvez comprendre ce qu’est en vérité le Japon, vous pouvez saisir le secret de sa force. Ils savent garder le silence; et bien qu’ils possèdent la sensibilité la plus aiguë, ils sont, parmi les gens que j’ai rencontrés, ceux qui l’expriment le moins. Ici, un ami peut, avec la plus grande simplicité, donner sa vie pour sauver la vôtre, bien qu’il ne vous ait jamais dit auparavant qu’il vous aimait d’une manière aussi profonde et aussi désintéressée. À vrai dire, il peut même ne vous avoir jamais dit qu’il vous aimait. Et si vous n’avez pas été capable de lire dans son cœur à travers les apparences, vous n’aurez vu qu’une très exquise courtoisie qui laisse peu de place à l’expression de sentiments spontanés. Pourtant, les sentiments sont là, d’autant plus forts peut-être qu’ils ne sont pas manifestés extérieurement; et si l’occasion s’en présente, par un acte parfois très modeste et voilé, vous découvrez soudain des profondeurs d’affection.

C’est spécifiquement japonais; parmi les nations du monde, les vrais Japonais — ceux qui ne sont pas occidentalisés — sont peut-être les moins égoïstes. Et ce désintéressement n’est pas le privilège des gens éduqués, savants ou religieux ; à tous les niveaux sociaux vous pouvez le trouver. Car ici, à l’exception des fêtes populaires, extrêmement jolies, la religion n’est pas un rite ou un culte, c’est une vie quotidienne faite d’abnégation, d’obéissance, de sacrifice de soi.

Dès leur enfance, on enseigne aux Japonais que la vie est devoir et non plaisir. Ils acceptent ce devoir — si souvent rude et pénible — avec une soumission passive. Ils ne sont pas tourmentés par l’idée de trouver le bonheur. Cela donne à la vie de tout le pays une très remarquable retenue, mais sans aucune expansion joyeuse et libre; cela crée une atmosphère de tension et d’effort, de tension mentale et nerveuse, non de paix spirituelle comme celle qu’on peut ressentir dans l’Inde, par exemple. En vérité, rien au Japon ne peut être comparé à l’atmosphère pure et divine qui pénètre l’Inde et en fait un pays unique et si précieux ; pas même dans les temples et les monastères sacrés, toujours si merveilleusement situés, parfois au sommet d’une haute montagne couverte de cèdres majestueux, difficile à atteindre, loin du monde au-dessous... Le calme extérieur, le repos et le silence sont là, mais non le sens béatifique de l’infini que donne une vie proche de l’Unique. Il est vrai que tout ici parle aux yeux et au mental de l’unité — l’unité de Dieu avec l’homme, l’unité de l’homme avec la Nature, l’unité de l’homme avec l’homme. Mais cette unité est très peu ressentie et vécue. Certes, les Japonais ont un sens hautement développé de l’hospitalité généreuse, de l’aide réciproque, du soutien mutuel ; mais dans leurs sentiments, leurs pensées, leurs actions en général, ils sont parmi les plus individualistes, les plus séparatistes. Pour eux la forme prédomine, la forme est attirante. Elle suggère aussi, elle parle d’une harmonie ou d’une vérité plus profonde, d’une loi de la nature ou de la vie. Chaque forme, chaque acte est symbolique, depuis l’agencement des jardins et des maisons jusqu’à la fameuse cérémonie du thé. Et parfois, dans une chose très simple et très usuelle, vous découvrez un symbole profond, compliqué, voulu, que la plupart des gens connaissent et comprennent; mais cette connaissance est extérieure et apprise, c’est une tradition, ce n’est pas une vérité vivante venant des profondeurs de l’expérience spirituelle, illuminant le cœur et le mental. Le Japon est essentiellement le pays des sensations : il vit par les yeux. La beauté règne sur lui, incontestée; et toute son atmosphère incite à l’activité mentale et vitale, à l’étude, à l’observation, au progrès, à l’effort, non à la contemplation silencieuse et béatifique. Mais derrière cette activité réside une aspiration élevée que révélera l’avenir de son peuple.

9 juillet 1917









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