CWM (Fre) Set of 18 volumes
Paroles d’autrefois Vol. 2 of CWM (Fre) 342 pages 2008 Edition
French

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Sont réunis dans ce volume tous les écrits de la Mère datant d’avant 1920 – à l’exception de Prières et Méditations; des causeries faites à Paris à « de petits groupes de chercheurs » ; plusieurs textes écrits au Japon, et « Belles histoires », des contes écrits pour les enfants.

Paroles d’autrefois

The Mother symbol
The Mother

Sont réunis dans ce volume tous les écrits de la Mère datant d’avant 1920 – à l’exception de Prières et Méditations; des causeries faites à Paris à « de petits groupes de chercheurs » ; plusieurs textes écrits au Japon, et « Belles histoires », des contes écrits pour les enfants.

Collection des œuvres de La Mère Paroles d’autrefois Vol. 2 342 pages 2008 Edition
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Troisième Partie




De la pensée – III

Il m’a toujours semblé que, sauf de très rares exceptions, le rôle mental de la femme n’est pas de spéculer sur les causes métaphysiques des phénomènes qui nous sont perceptibles, mais de tirer les conclusions pratiques de ces phénomènes.

Mme Martial vous disait très justement vendredi dernier que les femmes auraient tort de vouloir penser à la manière des hommes, qu’elles risqueraient de perdre leurs qualités propres qui sont l’intuition profonde et la déduction pratique, sans acquérir celles de leur complémentaire masculin qui sont le raisonnement logique et la capacité d’analyse et de synthèse.

Voilà pourquoi je n’essayerai pas aujourd’hui de vous démontrer à l’aide de raisonnements logiques et de spéculations transcendantales l’existence des pensées en tant qu’entités véritables, autonomes, vivantes et agissantes.

D’ailleurs si l’on ne veut pas se payer de mots, si très sincèrement on veut expliquer le moindre phénomène, il faut toujours remonter aux lois générales les plus universelles. Tout l’univers est nécessaire pour expliquer un grain de sable. Et tel n’est pas le programme que nous avons choisi pour l’Union de Pensée Féminine. Celles qui par suite de l’instruction qu’elles ont reçue, de la gymnastique cérébrale qu’elles se sont imposée, aiment à embrasser les vastes problèmes métaphysiques, pourront le faire excellemment à l’École de la Pensée le premier vendredi du mois 4.

Je ne sais si vous êtes familiarisées avec cette notion de la pensée, entité vivante et agissante. Je ne m’aventurerai pas à vous prouver ici son exactitude. Et cela pour deux raisons. La première c’est que pour expliquer le moindre phénomène (car telle est généralement notre manière de nous prouver à nous-mêmes sa réalité) il faut faire appel aux lois générales les plus universelles. Que de fois on a été amené à constater que tout l’univers est nécessaire pour expliquer un grain de sable. Et cette recherche nous entraînerait trop loin vraiment pour ce soir. D’autre part il nous faudrait, pour la faire, nous livrer à de longues spéculations métaphysiques, et je ne redoute rien tant que cette forme de l’activité mentale. Fidèle en cela à l’enseignement du Bouddha, je suis convaincue que nous avons beaucoup mieux à faire que d’employer notre temps et notre cerveau à des incursions hasardeuses dans un domaine intellectuel qui, en dernière analyse, échappera toujours à nos investigations et nous mettra fatalement en présence de l’impensable. Le Bouddha se refusait catégoriquement à répondre à toute question métaphysique sur les origines ou les fins de l’univers, disant qu’une seule chose importe : marcher sur la Voie, c’est-à-dire se purifier intérieurement, détruire en soi tout égoïste désir.

À l’Union de Pensée Féminine nous serons plus modestes, si vous le voulez bien.

La femme, par son caractère même, est plus apte à se placer au point de vue spirituel, moral dans le sens le plus profond du mot. Nous sommes essentiellement réalistes et formatrices dans ce domaine spirituel : nous voulons savoir bien vivre, et pour cela il nous faut apprendre à bien penser.

Pour se rendre compte de l’importance primordiale de la pensée, il faut la connaître telle qu’elle est, c’est-à-dire comme un être vivant, et pour que vous soyez convaincues de l’existence autonome de la pensée, je vous demanderai seulement d’en faire individuellement la constatation, ce qui est facile.

Un peu d’observation nous permettra de nous rendre compte que bien souvent, par exemple, nous recevons des pensées qui nous arrivent du dehors sans que nous ayons été mises en contact avec elles par la parole ou la lecture.

Qui n’a constaté aussi ce phénomène de la pensée qui est « dans l’air», comme l’on dit, et que plusieurs inventeurs, plusieurs savants, plusieurs littérateurs reçoivent simultanément sans avoir communiqué physiquement à ce sujet.

Les exemples pourraient être multipliés indéfiniment.

Je laisse à chacune le soin de réfléchir et de trouver ceux qui lui paraîtront les plus probants.

Avant d’entrer plus avant dans notre sujet je vais vous lire une page sur la pensée qui vous aidera peut-être à le comprendre.

C’est une page tirée d’un volume philosophique qui n’a pas encore paru.

« Tout phénomène implique une substance correspondante; à toute vibration il faut un milieu propre; et si les vibrations lumineuses exigent ce milieu que nous nommons l’éther, n’en faudra-t-il point un pour ces vibrations plus subtiles, plus mystérieuses, plus rapides aussi, qui sont celles de la pensée?

« Je ne parle point de cette pensée déjà revêtue de la forme et de la substance que lui fournit la matérialité cérébrale. Les psychologues savent bien qu’avant d’atteindre là ses modes d’activité consciente, la Pensée a déjà dû passer tout d’abord par d’autres états plus lointains, à travers les régions inconnues de ce que l’on nomme le subconscient.

« Elle est venue des profondeurs intérieures jusqu’à la surface de notre moi, ainsi qu’un météore nous arrivant des inaccessibles espaces.

« Quel fut le lieu d’origine de ce météore, la source de cette pensée? Nous l’ignorons, mais ils existent, l’un au-delà de notre soleil, l’autre au-delà sans doute de la lumière.

« Il y a entre la lumière et la pensée une parenté d’ascendance. Pour aller de l’une à l’autre dans l’ordre des impondérables, il faut gravir un échelon : concevoir est une façon plus haute de voir.

« Si nous ne voyons pas la pensée, c’est que sa substance est plus éthérée que celle de la lumière, de même que si nous n’entendons pas celle-ci, c’est que son essence est plus subtile que celle du son.

« Parmi les éléments de son ordre, la pensée se meut comme nos corps parmi les objets physiques. Comme nos mains savent façonner ces objets, elle sait, elle aussi, pétrir ces éléments et les mouler en mille formes appropriées.

« Ainsi nos gestes intellectuels ne sont pas moins féconds que nos gestes matériels. Et c’est pourquoi la sagesse enseigna toujours qu’il faut veiller sur ses pensées comme sur des actes générateurs. »

Nous voyons donc que la pensée, qui est le dynamisme par excellence, agit en formatrice dans son domaine propre pour se construire un corps. Elle agit comme un aimant sur de la limaille de fer. Elle attire tous les éléments qui sont en affinité avec son caractère, ses tendances et son but, et ces éléments qui sont les cellules constitutives de son corps que j’appellerai fluidique pour ne pas entrer dans trop d’explications, la pensée les vivifie, les anime, les pétrit, leur donne la forme la plus adéquate à sa nature propre.

Nous trouverons une analogie frappante entre ce travail de la pensée et celui de l’inventeur, du constructeur quel qu’il soit.

Prenons comme exemple une machine à vapeur. L’ingénieur dresse le plan dans ses moindres détails, calcule et combine tout, puis il choisit les matériaux appropriés à la matérialisation de sa conception, surveille la construction, etc.

Et quand la machine fonctionnera, devenant par le mouvement un véritable être vivant, elle sera la manifestation la plus complète possible de la pensée qui l’a construite, elle donnera la pleine mesure de la puissance de cette pensée. (L’inconscience éveillée des locomotives, automobiles, bateaux.) La pensée formatrice, entité vivante, anime le corps construit pour elle de mains d’hommes. Dans le domaine mental il y a aussi des constructeurs conscients.

Ce sont ceux qui, particulièrement doués ou ayant développé en eux certains sens intérieurs, peuvent entrer en rapport direct avec ce domaine, par la vision et le toucher principalement.

Capables alors de surveiller la marche du phénomène ils peuvent, ainsi que des chimistes dans leur laboratoire, manier les substances, les choisir, les pétrir par la puissance de leur volonté et revêtir leurs pensées de formes capables de les manifester pleinement.

Mais ceci est le point d’aboutissement d’un des multiples chemins du progrès individuel. Bien avant d’arriver à cette pleine conscience il est possible de faire de puissantes formations. Toute personne dont la pensée est un peu forte et persistante fait constamment des formations sans s’en douter.

Si vous tenez en mémoire que ces formations sont des entités vivantes agissant toujours dans le sens des pensées qui leur ont donné naissance, vous apercevrez facilement les conséquences considérables de ces actions mentales.

Autant une pensée bonne, bienveillante, juste, élevée peut être bienfaisante au premier chef, autant une pensée malveillante, basse, méchante, égoïste peut être funeste.

À ce sujet, je vous citerai un passage du Dhammapada qui vous donnera une idée de l’énorme importance que la sagesse du passé reconnaissait à la pensée.

« Quelque mal réciproque qu’on puisse se faire entre gens qui se haïssent, entre ennemis, une pensée mal dirigée en ferait plus encore.

« Quelque bien que puissent faire soit un père, soit une mère, soit d’autres parents, une pensée bien dirigée en ferait plus encore. »

Et si vous réfléchissez au nombre incalculable de pensées qui sont émises journellement, vous verrez surgir devant votre imagination le tableau complexe, mouvant, frémissant et terrible de toutes ces formations qui s’entrecroisent et s’entrechoquent, luttent, succombent et triomphent dans un mouvement vibratoire tellement rapide que nous pouvons à peine nous le représenter.

Vous vous rendez compte maintenant de ce que peut être l’atmosphère mentale d’une ville comme Paris où des millions d’êtres pensent, et quelles pensées! Vous vous représentez cette masse grouillante et mouvante, cet enchevêtrement inextricable. Eh bien, malgré toutes les tendances, toutes les volontés, toutes les opinions contradictoires, il s’établit une sorte d’unification, d’identité entre toutes ces vibrations, car toutes, à d’infimes exceptions près, toutes expriment la convoitise, la convoitise sous toutes ses formes, tous ses aspects, dans tous les plans.

Toutes les pensées des mondains qui n’ont pour but que les jouissances et les divertissements matériels expriment la convoitise.

Toutes les pensées des producteurs intellectuels ou artistes assoiffés de considération, de renommée et d’honneurs, expriment la convoitise.

Toutes les pensées des gouvernants et des fonctionnaires aspirant à plus de pouvoir et plus d’influence expriment la convoitise.

Toutes les pensées des milliers d’employés et d’ouvriers, de tous les opprimés, les malchanceux, les écrasés, luttant pour une amélioration de leur triste existence expriment la convoitise.

Et tous, riches ou pauvres, puissants ou faibles, privilégiés ou infortunés, intellectuels ou inintelligents, savants ou ignorants veulent de l’or, toujours plus d’or pour satisfaire toutes leurs convoitises.

Si de place en place jaillit parfois l’étincelle d’une pensée pure et désintéressée, d’une volonté de bien faire, d’une recherche sincère de la vérité, elle est bien vite engloutie dans ce flot matériel qui roule comme une mer de vase...

Et pourtant il nous faut allumer les étoiles qui l’une après l’autre viendront éclairer cette nuit.

Mais pour le moment nous vivons là-dedans, nous absorbons cela, car dans le domaine mental comme dans le domaine physique nous sommes en perpétuel échange avec le milieu.

C’est vous dire si nous sommes contaminées chaque jour, à chaque minute.

De la pensée – III 97 Laquelle d’entre nous peut dire qu’elle n’a jamais éprouvé de convoitise et qu’elle n’en éprouvera plus? Et comment d’ailleurs ne pas éprouver de convoitise quand l’atmosphère qu’on respire est saturée de convoitise? Comment ne pas sentir monter en soi la foule des désirs quand toutes les vibrations qu’on reçoit sont faites de désirs?...

Et pourtant si nous voulons que notre pensée soit bienfaisante et efficace, il faut nous libérer de cet esclavage-là.

En présence de ce fait, tirons d’abord une conclusion pratique; soyons indulgentes pour tous et pour toutes car la tentation est bien forte et l’ignorance humaine bien grande.

Mais autant il nous faut être compatissantes et bienveillantes pour les autres, autant il faut que nous soyons exigeantes et sévères pour nous-mêmes puisque nous voulons devenir des lumières dans l’obscurité, des flambeaux dans la nuit.

Nous devons donc apprendre à résister victorieusement à la pollution quotidienne.

Le fait de savoir qu’il y a danger de contagion est déjà un grand pas de fait vers la libération. Mais il est loin d’être suffisant.

Il y a deux victoires possibles à remporter : une collective, l’autre individuelle; la première est pour ainsi dire positive, active, la seconde négative, passive.

Pour remporter la victoire positive il faut déclarer une guerre ouverte de l’idée contre l’idée, livrer la bataille des pensées désintéressées, hautes et nobles, contre les pensées égoïstes, basses et vulgaires; c’est un véritable corps à corps, une lutte de chaque minute qui demande une puissance et une clarté mentales considérables. Car pour lutter contre les pensées il faut d’abord les accueillir, les recevoir en soi, se laisser contaminer volontairement, absorber en soi la maladie pour mieux détruire le germe morbide en guérissant. C’est une véritable guerre où à chaque minute on expose son équilibre mental, et pour la guerre il faut des guerriers. Je ne recommanderai cette pratique à personne.

Elle appartient de droit aux initiés qui s’y sont préparés par une longue et rigoureuse discipline, nous la leur laisserons.

Et nous nous contenterons de nous aseptiser de façon à nous préserver de toute contagion. Nous aspirerons donc à la victoire individuelle, et si nous la remportons nous saurons que nous avons plus fait ainsi pour la collectivité que nous ne le soupçonnions tout d’abord.

Pour remporter cette victoire il nous faut construire en nous une mentalité de qualité opposée à celle du milieu ambiant. Il nous faut petit à petit, jour après jour, meubler notre cerveau des pensées les plus hautes, les plus pures, les plus désintéressées que nous puissions concevoir, et il faudra qu’elles soient assez vivantes par le fait de nos soins volontaires pour s’éveiller en nous à chaque tentation de mal penser nous venant de l’extérieur, pour se dresser dans leur splendeur éblouissante en face de l’ombre sournoise qui constamment nous guette, prête à nous envahir.

Allumons en nous le feu des vestales antiques, ce feu symbolisant l’intelligence divine que nous avons le devoir de manifester.

Ceci n’est pas le travail d’un jour ni d’un mois, ni même d’une année. Il nous faut vouloir et vouloir avec persévérance. Mais si vous pouviez savoir les bienfaits que l’on en retire; si vous pouviez sentir cette paix, cette sérénité parfaite qui peu à peu prend la place en nous des agitations, des inquiétudes et des craintes provenant du désir, vous vous mettriez à l’ouvrage sans hésitation.

Ce n’est d’ailleurs pas à notre propre bonheur seulement qu’aboutit cette construction d’une synthèse de pensées puissantes et pures. Plus une flamme est claire et haute, plus elle répand de lumière autour d’elle.

Cette étoile que nous laisserons briller à travers nous aidera par son exemple l’éveil d’étoiles analogues; il n’y a pas que l’obscurité et l’ignorance qui soient contagieuses, la connaissance et la lumière peuvent l’être aussi, heureusement.

De plus, ce souci de demeurer conscientes de nos pensées les meilleures, nous obligera à une constante maîtrise de nos pensées, cette maîtrise que l’on obtient petit à petit à l’aide des procédés que je vous ai esquissés le mois dernier, au début de cette causerie : analyse, réflexion, méditation, etc. ; et ceux qui sont arrivés à être maîtres de leur être mental peuvent émaner à volonté une certaine quantité de leur force intellectuelle, l’envoyer là où ils le jugent bon tout en restant parfaitement conscients d’elle.

Ces émanations qui sont de véritables messagères vont vous remplacer là où matériellement, pour des raisons quelconques, il vous est impossible d’aller vous-mêmes.

Les avantages d’un tel pouvoir vous apparaîtront facilement.

Une pensée savamment dirigée et entretenue peut éveiller à la conscience par affinité une lueur de sagesse dans quantité de cerveaux encore enténébrés, et les mettre ainsi en marche vers l’évolution progressive; elle peut servir d’intermédiaire auprès d’un malade pour attirer vers lui les forces vitales nécessaires à sa guérison; elle peut veiller sur un ami cher et écarter de lui bien des dangers, soit en l’avertissant par communication mentale et par l’intermédiaire de son intuition, soit en agissant directement sur la cause du péril.

Malheureusement la contrepartie est aussi vraie et les pensées mauvaises ne manquent pas non plus de puissance d’action.

On ne peut s’imaginer tout le mal que l’on fait en accueillant et en émanant des pensées mauvaises, pensées de haine, de vengeance, de jalousie, d’envie, pensées malveillantes, jugement rigoureux, appréciations sectaires...

Nous savons toutes combien il est malsain d’écouter et de répéter les médisances, mais il ne suffit pas de s’abstenir des paroles, il faut s’abstenir des pensées 5.

Car rien n’est plus pernicieux, pour soi comme pour les autres, que cet état d’esprit sans charité. Que de fois n’avons-nous pas senti comme une barrière insurmountable se dresser entre nous et une des personnes que nous connaissons; pourtant, vis-à-vis d’elle, nos actes et nos paroles ont toujours été de parfaite courtoisie et parfois même très amicaux.

Mais nous avons laissé s’exercer en nous à son sujet cet esprit d’analyse et de critique qui faisant bon marché des qualités ne s’attache plus qu’aux travers, cela sans méchanceté sans doute, mais avec une nuance de malice ou d’ironie, avec le sentiment de notre supériorité, pauvre de nous! Et ainsi petit à petit, goutte à goutte se forme entre cette personne et nous un véritable fleuve qui nous éloigne de plus en plus l’un de l’autre malgré tous les efforts physiques que nous pouvons faire pour nous rapprocher.

Pour cela d’ailleurs il nous suffira d’un peu de réflexion, car nous aurons bien vite compris combien nos jugements, nos appréciations sont toujours téméraires.

S’il s’agit de faits, d’actions commises, combien de fois ne pourrons-nous pas nous dire que nous ne les connaissons pas exactement telles qu’elles sont et qu’en tous cas les mobiles de ces actions, les causes multiples qui les ont déterminées nous échappent presque totalement.

S’il s’agit de défauts, n’oublions pas que ceux qui nous gênent le plus chez les autres sont en général ceux qui fleurissent le mieux chez nous, et en tous cas que si nous n’avions aucun germe de ces défauts en nous, nous ne pourrions les apercevoir nulle part. D’ailleurs qu’est-ce au juste que les défauts? Bien souvent l’envers d’une qualité, l’excès d’une vertu qui n’a pas trouvé à s’utiliser, quelque chose qui n’est pas à sa place.

Pour ce qui nous touche personnellement, il nous faut être plus prudentes encore, et suivre très scrupuleusement une règle rigoureuse : ne jamais rien juger sans nous être mises avec le plus d’impersonnalité possible à la place de l’autre, quel qu’il soit, essayer d’éprouver ce qu’il a éprouvé, de voir ce qu’il a vu, et si nous parvenons à être parfaitement sincères, que de fois nous verrons notre appréciation devenir moins sévère et plus équitable!

D’ailleurs, et d’une façon générale, à quelle lumière regarderons-nous ce que nous voulons juger? Quel sera notre critère? Nous figurons-nous donc que nous sommes en possession de la sagesse suprême, de la justice parfaite pour pouvoir dire avec certitude : ceci est bien, ceci est mal? N’oublions jamais que nos notions de bien et de mal sont tout à fait relatives et si ignorantes qu’en ce qui concerne les autres, souvent nous trouvons mal un acte qui est l’expression d’une sagesse beaucoup plus grande que la nôtre.

La science véritable ne juge pas : elle étudie les phénomènes aussi exactement qu’elle le peut dans leurs causes multiples et leurs nombreux effets; elle dit ceci déterminera cela, voyez donc si ce cela est conforme à ce que vous désirez avant de faire ceci. En tous cas, si nous pouvons avoir, en ce qui nous concerne personnellement, un critère qui sera notre plus ou moins de ressemblance avec notre idéal le meilleur dans toute son intensité et sa progressive splendeur, nous n’avons aucun droit d’exiger des autres qu’ils réalisent notre propre idéal, à moins que nous ne sachions que notre idéal est supérieur au leur, et pour cela il faudrait que nous ayons la certitude que notre idéal est en tous points conforme à l’idéal suprême, à l’idéal absolu, au plan universel dans son essence la plus centrale...

Mais avant d’atteindre à de semblables transcendances nous pourrons toujours tenir en mémoire que ce sont les pensées malveillantes ou peu charitables émises par les hommes qui sont les principales causes de divisions entre eux ; elles rendent leur union presque impossible, alors même qu’ils désirent la réaliser.

Nous nous efforçons constamment en des actes physiques que constamment aussi nous entravons ou même détruisons par nos actions mentales.

Veillons donc sur nos pensées, luttons pour nous faire une ambiance de belles et nobles pensées et nous aurons fait beaucoup pour hâter l’heure de l’harmonie terrestre.

19 février 1912









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