CWM (Fre) Set of 18 volumes
Paroles d’autrefois Vol. 2 of CWM (Fre) 342 pages 2008 Edition
French

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Sont réunis dans ce volume tous les écrits de la Mère datant d’avant 1920 – à l’exception de Prières et Méditations; des causeries faites à Paris à « de petits groupes de chercheurs » ; plusieurs textes écrits au Japon, et « Belles histoires », des contes écrits pour les enfants.

Paroles d’autrefois

The Mother symbol
The Mother

Sont réunis dans ce volume tous les écrits de la Mère datant d’avant 1920 – à l’exception de Prières et Méditations; des causeries faites à Paris à « de petits groupes de chercheurs » ; plusieurs textes écrits au Japon, et « Belles histoires », des contes écrits pour les enfants.

Collection des œuvres de La Mère Paroles d’autrefois Vol. 2 342 pages 2008 Edition
French
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Septième Partie

Belles Histoires




Belles Histoires




Chapter I

La maîtrise de soi

On peut dompter un cheval sauvage, mais on ne met jamais une bride à un tigre. Pourquoi cela ? Parce qu’il y a dans le tigre une force mauvaise, cruelle et incorrigible, qui ne nous permet d’espérer de lui rien de bon, et nous oblige à le détruire pour l’empêcher de faire du mal.

Le cheval sauvage, au contraire, si indocile et ombrageux qu’il soit tout d’abord, peut être maîtrisé avec un peu d’effort et de patience. Il apprend à la longue à nous obéir et même à nous aimer, et finit par tendre lui-même la bouche au mors qu’on lui présente.

Il y a dans les hommes aussi des impulsions et des désirs rebelles et indociles, mais il est rare que ces choses soient indomptables comme le tigre; le plus souvent elles ressemblent au cheval sauvage; et pour être dressées, elles ont besoin d’une bride. Et la meilleure bride est celle qu’on leur met soi-même, celle que l’on nomme la maîtrise de soi.


Hussein était le petit-fils du prophète Mohammed. Sa demeure était belle; sa bourse bien remplie. Celui qui l’offensait, offensait un homme riche : la colère du riche est pesante.

Un jour, un esclave portant un bassin d’eau bouillante passa à côté de Hussein qui dînait. Par malheur un peu d’eau tomba sur le petit-fils du prophète qui poussa un cri de fureur.

L’esclave tombant à genoux, eut la présence d’esprit de se rappeler à propos un verset du Coran:

— Le paradis est pour ceux qui tiennent en bride leur fureur, dit-il.

— Je ne suis pas furieux, interrompit Hussein, sensible à ces mots.

— Et pour ceux qui pardonnent aux hommes, continua l’esclave.

— Je te pardonne, dit Hussein.

— Car Allah aime les miséricordieux, ajouta le serviteur. Pendant ce dialogue, toute la colère d’Hussein avait disparu; sentant son cœur tout adouci, il releva l’esclave et lui dit :

— Désormais tu es libre. Tiens, prends ces quatre cents pièces d’argent.

C’est ainsi qu’Hussein sut mettre la bride à son esprit aussi généreux qu’emporté. Son noble caractère n’étant ni mauvais ni cruel, était digne d’être dompté.


Si donc vos parents ou bien votre maître vous invitent parfois à maîtriser votre nature, ce n’est pas qu’ils pensent que vos défauts, petits ou grands, soient incorrigibles; mais c’est qu’ils savent, au contraire, que votre esprit prompt et fougueux est semblable à un jeune cheval de sang qui doit être tenu en bride.

Si l’on vous offrait, pour y vivre, une hutte sordide ou bien un palais, lequel des deux choisiriez-vous? Le palais sans doute.

On raconte que lorsque le Seigneur Mohammed visita le Paradis, il vit de grands palais construits sur la hauteur et dominant toute la contrée.

— Ô Gabriel, dit Mohammed à l’ange qui lui montrait tout cela, pour qui sont ces palais?

— Pour ceux, répondit l’ange, qui maîtrisent leur colère et savent pardonner les injures.

Eh bien, l’esprit paisible et sans rancune est comme un palais véritable. Il n’en est pas ainsi de l’esprit vindicatif et tumultueux.

Notre pensée est une demeure que nous pouvons, à notre guise, rendre propre, sereine et douce, pleine de sons harmonieux ; mais dont nous pouvons faire aussi un affreux et sombre repaire, rempli de bruits plaintifs et de cris discordants.


J’ai connu dans une ville du nord de la France, un garçon d’esprit franc mais de cœur bouillant, et toujours prêt à s’emporter.

— Que penses-tu, lui disais-je un jour, qui soit plus difficile à faire pour un fort garçon comme toi, de rendre coup pour coup et de jeter ton poing à la figure du camarade qui t’injurie, ou bien de garder à ce moment-là ce poing dans ta poche?

— C’est de le garder dans ma poche, répondit-il.

— Et que penses-tu qui soit plus digne d’un courageux garçon comme toi, de faire la chose la plus facile, ou bien au contraire la plus difficile?

— La plus difficile, dit-il après une minute d’hésitation.

— Eh bien, essaye de le faire la prochaine fois que l’occasion s’en présentera.

À quelque temps de là, le jeune garçon vint me raconter, non sans une légitime fierté, qu’il avait réussi à faire « la chose la plus difficile ».

— Un de mes camarades d’atelier, dit-il, connu pour son mauvais caractère, m’a frappé dans un moment de colère. Comme il sait que d’ordinaire je ne pardonne pas, et que j’ai le bras vigoureux, il s’apprêtait à se défendre, lorsque je me suis souvenu de ce que vous m’aviez appris.

Cela m’a été plus dur que je ne pensais, mais j’ai mis mon poing dans ma poche. Et sitôt que j’ai eu fait cela, j’ai senti que je n’avais plus de colère, mais seulement de la pitié pour mon camarade. Alors je lui ai tendu la main. Cela l’a si fort étonné qu’il est resté un moment à me regarder, la bouche ouverte, sans rien me dire; puis il s’est jeté sur ma main, l’a serrée avec force, et m’a dit tout ému : « Maintenant tu pourras faire de moi tout ce que tu voudras, je suis ton ami pour toujours. »

Ce garçon-là avait maîtrisé sa colère comme avait su le faire le calife Hussein.

Mais il y a bien d’autres choses qui ont aussi besoin d’une bride.


Le poète arabe Al Kosai vivait au désert. Un jour il découvrit un bel arbre Naba, et fit avec ses branches un arc et des flèches.

À la nuit il partit pour chasser des ânes sauvages. Bientôt il entendit le bruit des sabots d’un troupeau en marche; alors il tira sa première flèche. Mais il tendit l’arc avec tant de force que la flèche, après avoir traversé le corps d’un des animaux, alla frapper le roc voisin avec éclat. En entendant le bruit du bois contre la pierre, Al Kosai crut avoir manqué son coup. Il tira alors sa seconde flèche, et de nouveau la flèche traversa un âne et s’en alla frapper le roc. Al Kosai crut encore avoir manqué son coup. Il tira ainsi sa troisième, sa quatrième, sa cinquième flèche, et chaque fois il entendit le même bruit. À la cinquième fois, de rage il brisa son arc.

À l’aube, il aperçut cinq ânes devant le roc.

S’il avait eu plus de patience, s’il avait attendu que le jour fût levé, il aurait gardé son calme et son arc aussi.


Il ne faudrait pas penser cependant que nous estimions un dressage qui consisterait à affaiblir un caractère, en lui enlevant tout élan et toute vigueur. Si l’on met une bride au cheval sauvage, ce n’est pas pour que le mors lui déchire la bouche et lui brise les dents. Et si l’on veut qu’il accomplisse bien son ouvrage, il faut tendre la bride afin de le diriger, mais non pas la tirer si brutalement qu’il ne puisse plus avancer.

Il n’est malheureusement que trop de caractères faibles assez semblables à des moutons, et qu’un simple aboiement suffit à diriger.

Il est des natures d’esclaves, insensibles, sans énergie et résignées plus qu’il ne convient.

Abou Otman al-Hiri était connu pour son excessive patience. Il fut un jour invité à prendre part à une fête. Lorsqu’il arriva chez son hôte, celui-ci lui dit : « Vous m’excuserez, mais je ne puis vous recevoir. Ainsi retournez, je vous prie; et que la miséricorde d’Allah soit sur vous. »

Abou Otman revint chez lui. Il n’était pas plutôt rentré que son ami le rejoignit afin de l’inviter de nouveau. Abou Otman suivit l’ami jusqu’à sa porte. Mais là celui-ci s’arrêta et le pria encore de l’excuser. Abou Otman se retira sans un murmure.

Une troisième fois, puis une quatrième, la même scène se renouvela. Mais à la fin l’ami le reçut et lui dit devant tous :

— Abou Otman, j’ai agi de la sorte afin de mettre à l’épreuve ton bon caractère. J’admire ta patience et ta résignation.

— Ne me loue pas, répondit Abou Otman, car les chiens pratiquent la même vertu; ils viennent quand on les appelle et se retirent quand on les renvoie.

Abou Otman était un homme et non pas un chien; et cela ne pouvait faire aucun bien à personne qu’il se livrât ainsi de son propre gré, aux moqueries de ses amis, sans justice, ni dignité.

Cet homme si docile n’avait-il donc rien à maîtriser en lui? Oh si! C’était la chose entre toutes la plus difficile à maîtriser; c’était sa faiblesse de caractère. Et c’est parce qu’il ne savait pas se gouverner lui-même que chacun le gouvernait à sa guise.


Un jeune brahmacharin était adroit et le savait. Il désirait accroître ses talents toujours plus, afin de les faire admirer partout. Il voyagea donc de pays en pays.

Auprès d’un fabricant de flèches, il apprit à faire des flèches.

Plus loin il apprit à construire et à diriger des bateaux.

Ailleurs il apprit à bâtir des maisons.

Ailleurs encore il s’instruisit en d’autres arts.

Il passa ainsi dans seize pays. Puis revint chez lui et dit fièrement : « Quel homme sur terre est aussi habile que moi? »

Le Seigneur Bouddha le vit et désira lui enseigner un art plus noble que tous ceux qu’il avait appris jusque-là. Prenant l’apparence d’un vieux shramana, il se présenta devant le jeune homme tenant à la main une sébile de mendiant.

— Qui es-tu? demanda le brahmacharin.

— Je suis un homme capable de maîtriser son corps.

— Que veux-tu dire?

— L’archer sait diriger ses flèches, répondit le Bouddha ; le pilote conduit le navire; l’architecte surveille la construction des édifices; mais le sage se gouverne lui-même.

— De quelle manière?

— Si on le loue, sa pensée ne s’émeut pas; si on le blâme, sa pensée ne s’émeut pas davantage; il aime à se conduire selon la Bonne Loi, et il vit en paix.

Enfants de bonne volonté, vous aussi apprenez à vous gouverner; et si pour maîtriser votre caractère, il vous faut une rude bride, ne vous plaignez pas.

Mieux vaut encore un jeune cheval emporté qui peu à peu deviendra sage, qu’un placide cheval de bois qui restera toujours ainsi quoi qu’on fasse et à qui l’on ne met qu’une bride pour rire.









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