Sont réunis dans ce volume tous les écrits de la Mère datant d’avant 1920 – à l’exception de Prières et Méditations; des causeries faites à Paris à « de petits groupes de chercheurs » ; plusieurs textes écrits au Japon, et « Belles histoires », des contes écrits pour les enfants.
Le grand rishi, Bhrigu, brillant dans sa splendeur, était assis sur le sommet du mont Kailasa, et Bharadwaja lui posait des questions :
Qui a fait le monde? Combien vaste est le ciel?
Qui donna naissance à l’eau? au feu? au vent? à la terre?
Qu’est-ce que la vie?
Qu’est le bien?
Qu’y a-t-il au-delà du monde?
Et ainsi de suite. Grandes étaient les questions, et grand devait être le rishi qui pouvait répondre à toutes!
Mais la mentalité de Bharadwaja était la mentalité de l’homme qui demande, demande toujours et encore, et ne sait jamais assez.
L’enfant est le questionneur par excellence. Il est toujours à demander : « Qu’est ceci? qu’est cela ? Comment est-ce fait? Qu’est-ce qui fait bouger cette chose? Qu’est-ce qui fait jaillir l’éclair? Pourquoi y a-t-il des marées? D’où vient l’or? et le charbon? le fer? Comment s’imprime un livre? » Et bien d’autres questions encore.
Les enfants et les hommes questionnent. Ils répondent aussi. Quand nous savons quelque chose nous pouvons répondre à des questions. Nous pouvons enseigner, nous pouvons répandre la connaissance.
Qu’apprendrons-nous? Qu’enseignerons-nous? Essayeronsnous d’apprendre tout ce qui est arrivé pendant le cours des âges? Tâcherons-nous d’apprendre tous les mots que la langue de l’homme peut prononcer?
Dans le poème du Mahabharata, les noms suivants sont employés pour désigner les différentes sortes de flèches décochées par les frères Pandavas et d’autres guerriers : sara, vana ishou, sayaka, patri, kanda, vishikha, naracha, vishatha, prishatka, bhalla, tomara, shalya ishika, silimoukha, anjalika. Nous n’avons certes pas besoin d’apprendre tous ces noms de flèches. Et il y a beaucoup d’autres noms de choses que nous n’avons pas besoin d’apprendre.
Nous parlons des nouvelles : nous pensons à des naufrages, des meurtres, des vols, des disputes, des procès, des guerres, des incendies, des concerts, des mariages, des enterrements, et des milliers d’autres choses qui peuvent être lues en quelques minutes et oubliées tout de suite après. Nous ouvrons le Coran et en tête des chapitres de ce livre sacré nous lisons le mot : « Nouvelles » et nous pensons immédiatement à des naufrages, des meurtres... mais arrêtez!
Le prophète Mohammed n’était ni une mentalité légère qui prenait plaisir aux nouvelles des actes méchants, ni un bavard qui n’enseignait rien de noble. Lisons le commencement du chapitre des « Nouvelles » :
Au nom d’Allah, le Compatissant, le Miséricordieux. De quoi l’entretiennent-ils ensemble? Des grandes nouvelles. Discutent-ils à ce sujet? Non, mais ils veulent savoir. Certes, ils sauront! « N’avons-nous pas fait la terre comme un lit? Et les montagnes comme chevilles de tentes? N’êtes-vous vous pas créés par Paires? Et ne vous avons-nous pas fait dormir pour vous reposer? Et fait la nuit comme un manteau ? Et le jour pour gagner son pain? Et construit au-dessus de vous sept firmaments? Et mis là une lampe qui brûle? Et fait tomber des averses d’eau des nuages comprimés, Pour que les graines et l’herbe poussent partout Et que les jardins se couvrent d’arbres? »
Ainsi le prophète allumait l’espoir dans le cœur et l’esprit des hommes en les faisant penser à de grandes choses, aux choses qui ont une beauté durable, aux choses qui enseignent à l’homme combien noble est le monde de la vie.
Ainsi nous convenons qu’il est des mots et des choses, et certains genres de nouvelles qui ne méritent pas d’être entendus et répétés. Mais par contre, d’autres choses valent d’être entendues et répétées, même si cela doit nous coûter beaucoup de peine, de temps et d’efforts pour les découvrir.
La puissance de l’homme est dans sa pensée. Les membres, les mains si habiles, sont des esclaves de sa pensée qui décide et dirige.
Et depuis que la race humaine a élu domicile sur la terre, combien grandes ont été les conquêtes de l’homme sur la nature.
Nous voyons un tableau de son pouvoir dans le conte de la traversée de Rama au-dessus de la mer.
Lorsqu’il atteignit les rives de l’Inde, et apprit que sa chère épouse Sita était captive dans l’île de Ceylan, il se prépara à traverser l’eau. Son armée était innombrable, mais composée de singes et d’ours. Comment pouvaient ils passer au-dessus des eaux agitées.
L’intelligence de Rama était profonde, sa sagacité perçante, son cœur plein de bravoure.
D’abord il parla doucement au vieil Océan et lui dit :
— Grande mer, je te prie, laisse passer mon armée. Mais après qu’il eut attendu trois jours, il n’y eut pas de réponse des vagues.
Alors Rama appela son frère :
— Lakshmana ! apporte-moi mon arc et mes flèches. J’ai perdu mon discours avec cette mer, exactement comme un homme perd ses bonnes graines en les semant dans le sable.
Rama, le divin héros, décocha une flèche dans les eaux profondes; et le trait causa une douleur brûlante à l’océan, et tous les poissons furent pleins de frayeur. Alors l’esprit de l’océan prit la forme d’un Brahmane qui s’agenouilla devant le Seigneur avec un plat d’or plein de joyaux comme une offrande.
L’océan embrassa les pieds semblables aux lotus de Rama et dit :
— Grand Seigneur, pardonnez-moi mon péché. Je suis comme mes parents de l’air, de la terre et du feu. Ils sont lourds et lents et si habitués au pouvoir qu’ils ne répondent pas à l’appel même d’un Seigneur comme vous. Aucun héros n’a, avant vous, réussi à me faire obéir à sa volonté. Je vois en vous mon maître. Faites ce qu’il vous semble bon.
Le Seigneur Rama sourit :
— Dis-moi, dit-il, comment mon armée peut passer au-dessus de ton royaume de vagues et d’orages.
— Mes eaux, dit la mer, porteront sur leur sein les rochers que vos soldats peuvent lancer sur eux et ainsi un pont sera construit entre l’Inde et Lanka.
Rama se tourna vers son armée :
— Que le pont soit bâti, dit-il.
— Gloire à Rama, s’écrièrent tous les guerriers.
Ils arrachèrent des arbres et des rocs, jusqu’à de grandes falaises, et les portèrent aux deux maîtres constructeurs, Nala et Nila, et Nala et Nila attachèrent le bois et les pierres ensemble de sorte que le tout fut solide et flotta à la surface de la mer.
Alors l’armée traversa dessus.
Rama s’assit sur une montagne de l’Inde et regarda l’armée innombrable s’avancer sur le pont.
De même que Rama obligea l’esprit de l’océan à lui obéir, de même la pensée humaine, la gloire de l’humanité, conquiert la mer. Et beaucoup d’autres choses à côté de la mer. L’homme domine le vent puisqu’il le fait souffler dans les toiles de ses bateaux, et les ailes de ses moulins. Il vainc la glace et la neige, puisque des explorateurs ont été aux pays glacés du pôle nord et du pôle sud, et ont gravi les plus hautes montagnes. Il vainc les bêtes, puisque sur toute la surface du monde, il frappe les animaux qui sont un danger pour lui et sa famille, les lions, les tigres, les loups, les serpents, les requins même. Quoique son pouvoir soit moindre sur le grand océan, il a fait sentir sa puissance sur la terre; et pendant qu’il se débarrassait des animaux qui lui sont nuisibles, il conservait et élevait les animaux qui lui sont utiles : le bœuf, le cheval, le mouton, l’éléphant etc...
Mais tout ceci est la conquête des choses à l’aide des mains, des outils et des armes; et les mains, les outils et les armes sont les serviteurs de la pensée.
L’homme conquiert par la connaissance. Et il conquiert la connaissance : il demande, demande encore et encore, et persévère jusqu’à ce qu’il sache réellement.
Certains hommes dont parle l’histoire sont appelés des conquérants : tels qu’Alexandre le Grand qui conquit l’ouest de l’Asie et l’Égypte, Jules César qui conquit la France et l’Angleterre, l’empereur Baber qui conquit le nord de l’Inde, Napoléon qui devint pour un temps le maître de l’Europe.
Mais il y a d’autres manières d’être un conquérant. Vous aussi pouvez être un conquérant. Il y a des choses dans le monde qui ont besoin d’être connues et apprises. Demandez, cherchez, apprenez, conquérez. Alors vous pourrez vous appeler : le conquérant.
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